Le jeu électoral
En cette période pré-électorale (du moins pour mes lecteurs Canadiens), je me permet de faire une petite incartade du côté de la politique. Ne craignez rien, je ne vous dirai pas pour qui voter, ni pour qui je vais voter. Je veux plutôt vous inviter à réfléchir sur une facette essentielle de la démocratie malheureusement trop souvent oubliée: le mode de scrutin.
Ce n'est pas un hasard si je parle de scrutin dans un blog sur les jeux de société. En effet, la plupart d'entre vous savez déjà que les élections peuvent être un jeu. Karl-Heinz Schmiel a même fait des élections allemandes l'objet de son incontournable Die Macher. Si on s'arrête à ce jeu-monstre, on pourrait croire que la démocratie est difficile à exercer. Il existe cependant un grand nombre de petits jeux dans lesquels vous pouvez faire votre devoir de citoyen et récompenser ou punir vos amis joueurs. Pensez seulement à Quo Vadis?, à Rette Sich Wer Kann, ou au récent Zombies de Asmodée.
Si vous avez déjà joué à ces jeux ou à d'autres semblables, vous savez qu'il existe de multiples façons de voter, et que toutes ne sont pas aussi satisfaisantes. Par exemple, si on joue aux Loup-Garous et que chacun vote à tour de rôle, vous pourriez retirer un petit avantage de voter en dernier. De plus, si on ne fait qu'un seul tour de vote et que les 15 joueurs sont indécis, un villageois malchanceux pourrait se faire mettre au bûcher avec seulement trois voix contre lui. Pour contourner ces problèmes, j'utilise personnellement le vote simultané (tout le monde lève la main et pointe en même temps) et je fais autant de tours qu'il en faut pour obtenir la majorité absolue.
Oui, d'accord, je sais, ce n'est qu'un jeu... Mais qu'en est-il du choix de notre plus haut dirigeant? Les cyniques me diront que ce n'est aussi qu'un jeu, et pas très bon de surcroit. Soit, mais ne devrait-on pas améliorer les règles? Avec notre mode de scrutin actuel, le choix le plus logique semble être de voter stratégiquement. Par exemple, dans ma circonscription de Jeanne-Le Ber, la libérale Liza Frulla l'a emporté par quelques voix devant le bloquiste Thierry St-Cyr aux dernières élections. Aujourd'hui, on a avantage à voter pour celui qui nous déplaît le moins de M. St-Cyr ou Mme. Frulla. En effet, tous les autres votes risquent fort de se retrouver dans la poubelle électorale et de n'avoir strictement aucun poid sur le résultat final. Est-ce normal? Ne devrait-on pas avoir un mode de scrutin m'encouragent à voter pour le candidat qui me représente le mieux? Même si celui-ci n'est pas dans la course?
Vous l'aurez compris, je suis un défenseur d'une réforme électorale qui inclurait un mode de scrutin proportionnel. Je ne suis pas le seul, même la commission du droit du Canada le recommande.
Le principal argument des détracteurs d'un scrutin proportionnel concerne le danger de diminuer l'efficacité du gouvernement. En effet, avec un tel scrutin on sort d'une éternelle lutte à 2 partis et de nouvelles formations peuvent prendre quelques sièges, augmentant les chances d'avoir un gouvernement minoritaire. Or est-ce qu'un gouvernement minoritaire est réellement moins efficace? Oui, si on se fie à la façon dont les libéraux ont mené leur barque cette dernière année. Mais la gouvernance moderne d'un pays aussi diversifiée que le Canada devrait être multilatérale! Les coalitions et le vote libre des députés, des notions qui font frémir les vieux bonzes de la politique, sont les clés qui permettront à un gouvernement minoritaire de diriger efficacement.
Les pessimistes me feront remarquer que les chances sont minces qu'un gouvenement change le mode de scrutin qui l'a fait élire. Oui, alors espérons que le prochain gouvernement soit faible, voire minoritaire, et réclamons ce changement! Le 23 janvier je voterai stratégiquement, je l'espère pour la dernière fois.
0 Commentaires:
Publier un commentaire
<< Page principale