03 juin 2006

Sur un plateau -- Rick Thornquist


Ceux qui me connaisse savent que je me plains souvent de ma malchance dans les jeux. Et bien ce n'est pas le cas pour mes voyages. En effet, par pur hasard la petite maison que nous avons louée se trouve à 2 minutes de marche de l'endroit où réside Rick Thornquist, le reporteur canadien de jeux de société. Moi qui voulais profiter de ma visite à Vancouver pour le contacter et ainsi lancer une série d'entrevues que je souhaite faire depuis longtemps, je peux dire que je suis comblé!

Donc, que vous connaissiez bien le travail de Rick ou que vous souhaitiez découvrir une personne chaleureuse et sympathique, je crois que cette entrevue vous plaira. De mon côté j'ai eu beaucoup de plaisir à la faire!

Biographie

Rick joue depuis qu'il a appris à déplacer un pion. Il a fait ses premiers pas dans l'univers du jeu à travers les classiques jeux commerciaux américains avant de migrer vers les wargames, une obsession qui a continué de croître à l'adolescence. Au début de la vingtaine, son travail a pris le dessus et les jeux se sont vus relégués à l'arrière-plan. Il y a quelques années, Tikal l'a amené vers le merveilleux monde des jeux allemands, et peu de temps après il a contribué à l'organisation des Terminal City Gamers à Vancouver - le premier club de jeu de Vancouver.

Les débuts de Rick en tant que journaliste des jeux de société s'est fait en janvier 2002 alors qu'il assumait les fonction d'éditeur pour le site web des Terminal City Gamers, qu'il a alors transformé en un centre de diffusion d'informations quotidiennes sur le monde du jeu. Il a ensuite prêté ses talents à la chronique GameWire sur Gamefest et a poursuivi son travail de reporteur pendant deux ans sur ce site. Un autre déménagement a suivi, cette fois pour créer et devenir éditeur de Boardgame News - le dernier né des sites web d'information sur le monde des jeux.

Rick vit à Vancouver, Colombie-Britannique, Canada.

Rick Thornquist dans son bureau, l'épicentre de Boardgame News.
(Cliquez ici pour agrandir.)

Entrevue

Philippe Beaudoin: Bonjour Rick, et merci de nous accorder cette entrevue. Depuis quelques années déjà, on vous connaît à travers le monde comme une des principales sources d'informations sur les jeux de société. Comment cette passion pour le jeu en est venue à croiser votre talent de reporteur?

Rick Thornquist:
En fait, je n'ai jamais su que j'avais quelque talent de reporteur que ce soit avant de commencer à être journaliste de jeux. Dans ma vie professionnelle, j'étais en fait programmeur et je n'ai jamais fait aucun travail journalistique avant de le faire pour les jeux. Dans ce temps, je n'écrivais que très peu - tous mes écrits étaient dans un langage de programmation, pas en anglais!

Ma carrière de journaliste de jeu a débuté quand j'ai repris le site web de notre groupe de jeu local, les Terminal City Gamers. J'ai commencé à écrire et poster de courtes nouvelles que je jugeais d'intérêt pour les lecteurs du site qui, au début, n'étaient que les membres du groupe. J'ai découvert que j'appréciais vraiment le travail de reporteur et me suis promis de poster au moins une nouvelle par jour. Avant longtemps, des gens extérieurs au groupe ont commencé à consulter le site. De mon côté, j'ai commencé à étendre les sujets que je couvrais et un jour j'ai réalisé que j'étais devenu reporteur! Ce n'était pas mon objectif quand j'ai commencé ce site - c'est arrivé naturellement. Plus de quatre ans plus tard, je le fais toujours.

PB: Donc aujourd'hui, est-ce que vous considérez votre rôle d'éditeur de Boardgame News comme votre travail à temps-plein, ou êtes-vous toujours programmeur?

RT:
Mon travail à temps-plein est d'être l'éditeur de Boardgame News. Je fais occasionellement un peu de programmation, mais c'est de moins en moins fréquent. Mes journées (et parfois mes nuits) sont consacrées au journalisme de jeu.

PB: C'est génial de pouvoir convertir une passion pour le hobby en travail à temps plein, et je parie que plusieurs vous envie, moi le premier. Y-a-t-il quelques dangers à cette entreprise? En particulier, est-ce que votre passion pour les jeux de société a diminiué depuis que vous assumez le rôle de reporteur à temps-plein?

RT:
Le plus grand danger c'est que je ne fais pas autant d'argent que lorsque j'étais programmeur. Plutôt une mince fraction, en fait!

Je dirais que ma passion pour les jeux a un peu diminué, mais c'était à prévoir. Quand j'ai débuté dans ce hobby et que j'ai commencé à agir comme reporteur, je trouvais la nouveauté très excitante. Aujourd'hui, l'aspect nouveauté s'est un peu estompé, mais j'adore toujours les jeux de société.

PB: Je sais que certains trouvent étrange que Rick Thornquist, un des reporteurs de jeu les plus actifs du web, soit canadien. Particulièrement quand on considère que la scène canadienne du jeu de société semble beaucoup moins active que ses contreparties européennes ou américaines. Il suffit d'une rapide visite sur les pages Convention Calendar ou Club Information de Boardgame News pour s'en convaincre. Diriez-vous que vous êtes devenu reporteur car vous manquiez de personnes avec qui jouer? ;)

RT:
Pas du tout! :) En réalité, je pouvais jouer avec un grand nombre de personnes quand j'ai commencé comme reporteur, quoi qu'aujourd'hui ce nombre est beaucoup plus important. Ces temps-ci, je pourrais jouer à chaque jour de la semaine si je le souhaitais - et parfois je le fais!

Je sais que certains trouvent étrange que je sois canadien - la plupart assument simplement que je suis américain. C'est un peu la même chose pour Tom Vasel - plusieurs sont surpris d'apprendre qu'il vit en Corée. Grâce à Internet, des gens d'à peu près partout peuvent contribuer à la communauté en-ligne des joueurs de société et Tom et moi-même en avons tiré avantage.

Tant que j'ai un ordinateur, accès à Internet, et accès à des jeux et des adversaire, je peux faire ce travail. J'adore Vancouver et je peux très bien faire mon travail d'ici. Le seul désavantage d'être au Canada c'est que je n'ai pas la même facilité d'accès aux éditeurs de jeux européens que les reporteurs de là-bas. Heureusement, j'ai de très bons contacts en europe, comme Knut-Michael Wolf de Spielbox et Erwin Broens de Bordspel, qui me relaient souvent un scoop de l'Allemagne ou d'ailleurs.

PB: Quelque chose me dit que les joueurs qui vous entourent apprécient aussi que vous receviez ces "scoops"... Je ne vous ai rencontré qu'une seule fois et j'ai déjà eu la chance de voir trois jeux dont j'ignorais même qu'ils étaient rendus de notre côté de l'Atlantique! Ce qui m'amène à ma prochaine question... Jouez-vous uniquement aux plus récentes nouveautés ou trouvez-vous encore le temps de revenir aux classiques?

RT:
Je reçois en effet beaucoup de copies de jeux pré-publication, en plus de recevoir des jeux allemands avant qu'ils ne soient largement disponibles. Ça fait de moi un joueur assez populaire.

Je joue beaucoup avec ces nouveautés, pour plusieurs raisons. Je veux en connaître le plus possible sur les jeux qu'on retrouve sur les tablettes, en plus j'écris souvent des critiques des jeux nouvellement publiés. Je suis aussi sur le comité des International Gamers Awards, donc je souhaite avoir joué au plus de jeux possible avant d'essayer de choisir ce que je crois être le meilleur jeu de l'année.

Ceci étant dit, je retourne aux jeux classiques dès que je peux. Il y a certains titres magnifiques et je ne pourrais tout simplement pas les laisser sur les tablettes. Particulièrement durant les conventions, quand j'ai plus de temps pour jouer, je joue à beaucoup de classiques.


PB: Aaah... Les conventions! Vous semblez vraiment du genre à participer à beaucoup de conventions... Comment parvenez-vous à trouver le temps et l'énergie pour voyager à gauche et à droite pour jouer à des jeux?

RT:
J'assiste en effet à plusieurs conventions. Comme je les aime beaucoup, il m'est facile de trouver le temps et l'énergie pour y aller. Normalement, je joue quelques soirs par semaine - lors d'une convention j'ai l'opportunité de pratiquer des jeux de société toute la journée et toute la nuit pendant des jours!

Certains penseront que c'est peut-être trop, mais j'ai toujours adoré ça. Quand j'ai assisté à mon premier Gathering of Friends - une convention de jeu organisée par l'auteur Alan Moon - les gens disaient que je ne serais plus capable de voir un jeu après les avoir pratiquer pendant neuf jours. Le contraire s'est produit - après neuf jours je ne voulais plus partir!

Les conventions sont de superbes endroits pour rencontrer beaucoup de personnes qui n'étaient avant que des noms sur Internet. Je me suis fait beaucoup, beaucoup de nouveaux amis lors de ces événements et j'ai hâte de les revoir à la prochaine convention. Lors de ces conventions vous pouvez aussi rencontrer des auteurs de jeux et des éditeurs, ce qui est toujours un plaisir. Un autre aspect positif est qu'elles nous offrent la chance d'essayer de tous nouveaux jeux, et je suis toujours partant pour ça.

PB: Comme on parle de conventions, saviez-vous que la communauté des joueurs de société de Montréal et de la province de Québec connaîssait une croissance phénoménale ces temps-ci? On y organise annuellement une demi-douzaine de conventions, qui attirent souvent plus d'une centaine d'amateurs. Ces nombres peuvent sembler petits lorsqu'on les compare à ce à quoi vous êtes habitué, mais ils restent impressionnants quand on sait qu'il y a trois ans on ne trouvait aucune réunion du genre! Donc... Serait-il possible de vous convaincre de nous visiter, un jour, pour l'une de ces conventions? Et vous pourriez profiter de l'occasion pour vous procurer quelques-uns de ces rares jeux français qu'on ne trouve qu'au Valet d'Coeur!

RT:
C'est impressionant de constater l'essor du jeu de société - j'entends constamment parler de plus en plus de conventions. J'adorerais visiter une convention au Québec - il n'en faudrait pas beaucoup pour me convaincre! Le seul problème c'est le temps et l'argent - j'assiste déjà à tant de conventions.

J'aimerais aussi beaucoup choisir quelques jeux français du Valet d'Coeur. En fait, je m'attends à y commander quelques jeux bientôt. J'ai récemment joué à Deluxe Camping et Du Balai et je souhaite me les procurer. Ces jeux ainsi que d'autres jeux français ne sont pas aussi bien connus qu'ils ne devraient l'être, malheureusement. J'espère remédier à cela en mettant sur pied une chronique sur les jeux français sur mon site web. J'ai bon espoir que ça pourrait attirer l'attention sur ces jeux.


PB: Vous dites que les jeux de société sont en plein essor et il est en effet facile de constater que le tableau est bien différent aujourd'hui de ce qu'il était il n'y a que quelques années. Lorsque vous regardez dans votre boule de cristal, que croyez-vous que le futur réserve aux joueurs et à ce hobby dans 10 ou 20 ans d'ici?

RT:
Bonne question! Je dois dire que je n'en ai vraiment aucune idée. J'ai été constamment surpris par les innovations dans le jeu de société au cours de 10 ou 20 dernières années. Il y a vingt ans, les jeux allemands tels que nous les connaissons n'existaient pratiquement pas - aujourd'hui ils constituent une force majeure dans le jeu de société et je ne crois pas que personne n'aurait pu prédire qu'ils deviendraient populaires à ce point.

Une innovation à laquelle je reste attentif concerne les jeux munis d'éléments électroniques comme King Arthur. Ce jeu n'a reçu que des critiques mitigées, mais je crois qu'il y a un bon potentiel dans cette technologie. Il sera intéressant de voir si celle-ci se développera au cours des prochaines années.

Une chose est certaine, je m'attend à ce qu'on continue à voir de très bons nouveaux jeux. À chaque année je crois avoir tout vu et il y a toujours de nouveaux jeux qui me surprennent par leur qualité. De plus en plus de gens créent des jeux et j'ai bien hâte de voir ce qu'ils vont inventer.

PB: Pour conclure cette entrevue, Rick, pouvez-vous nommer un seul jeu, et nous donner une courte explication si vous le souhaitez, pour chacune des cinq catégories aléatoires suivantes?

1)
Un jeu complètement oublié par le comité du Spiel des Jahres?

New England
. En réalité, j'avais prédit que New England remporterait le prix quand il a été publié. Je pensais qu'il s'agissait d'un très bon jeu familial de belle facture - du matériel parfait pour le SdJ. Non seulement il n'a pas gagné, il n'a même pas reçu de nomination et n'apparaîssait pas sur la liste des recommandations! Heureusement, il a éventuellement gagné le prix du jeu de l'année du magasine GAMES.


2)
Le meilleur jeu "européen" publié en amérique?

A Game of Thrones: The Boardgame
. Bien que certains disent qu'il n'est pas si "européen" que ça, étant donné que c'est surtout un wargame, mais ses mécaniques ont clairement subies l'influence des jeux européens. Je pense que c'est un excellent jeu.


3)
Le meilleur jeu pour juger du caractère de ses adversaires?

Rette Sich Wer Kann
- aussi connu sous le nom "The Lifeboat Game". Il s'agit essentiellement d'un jeu de négociation, et assez méchant en plus. On peut vraiment découvrir de quoi les autres ont l'air quand on commence à lancer leurs matelots par-dessus bord. Le jeu est assez difficile à trouver, mais Z-Man Games en présentera une nouvelle version, sous le titre de Lifeboats, plus tard cette année.


4)
Le jeu non-publié que vous attendez le plus?

Question difficile car il y a tellement de jeux non-publiés dont je ne peux pas encore parler. Un que je peux mentionner c'est Race for the Galaxy de Tom Lehmann, qui sera publié par Rio Grande Games. Je n'y ai pas joué, mais j'ai entendu beaucoup de bonnes choses à son sujet et j'ai bien hâte de l'essayer.


5)
Un jeu auquel vous souhaitez jouer, mais auquel personne autour de vous ne veut jouer?

Je ne crois pas qu'il en existe un seul. Je connais beaucoup de joueurs et, bien que certains n'aiment pas un type de jeu, je peux presque toujours trouver des adversaires pour mes jeux préférés. Je dois être chanceux!

PB: Merci beaucoup, Rick, d'avoir pris le temps de répondre à ces questions. Je suis certain que nos lecteurs francophones apprécieront de vous connaître un peu mieux. J'espère vous revoir un jour lors d'une convention québécoise. En attendant, nous allons bien sûr continuer de lire Boardgame News!

RT: Le plaisir était pour moi! J'espère sincèrement visiter une convention québécoise un jour. J'aimerais beaucoup rencontrer tous les joueurs de cette région. Au plaisir de s'y retrouver!

(Entrevue originale en anglais, ma traduction.)

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5 Commentaires:

À 4/6/06 05:04, Anonymous Anonyme a dit...

En voilà une interview originale et intéressante ; belle initiative, merci.

 
À 4/6/06 11:54, Blogger Philippe a dit...

Merci pour le commentaire, j'espère pouvoir enchaîner, le mois prochain, avec l'entrevue d'une figure marquante du monde ludique français.

Je crois aussi que je vais publier l'entrevue originale anglaise, ainsi que des traductions anglaises des entrevues réalisées en français. Ce serait une façon assez intéressante de diminuer le fossé qui sépare ces deux univers, comme le déplore Rick.

 
À 4/6/06 13:19, Anonymous Anonyme a dit...

Félicitation, belle interview trés intéressante sur cette sympathique personnalité du monde du Jeu de Société.

Encore bravo et à Bientôt,
Thierry

 
À 5/6/06 11:10, Anonymous Anonyme a dit...

Bonne entrevue, bien intéressante. Impressionnant que qqun puisse vivre d'être "reporteur - jeux".

Bravo Rick, et merci Filou pour l'entrevue.

 
À 6/6/06 05:49, Anonymous Anonyme a dit...

Merci Rick.
Merci Filou.
Tres interressante interview. J'espère que c'est le début d'une grande série !

 

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